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L'Air de Vivre
8 octobre 2013

"Elle s'en va", Catherine Deneuve menacée mais libre!

elle s'en va affiche

Il y a ces ombres derrière nous, ce passé douloureux qui flotte dans notre mémoire.  Une cigarette. Que ne ferait-on pas pour une cigarette lorsque tout nous submerge? Sur un coup de tête et une peine de cœur, Bettie quitte sa mère, sa maison de poupée, son restaurant presque en faillite, à la recherche de cigarettes. Elle revient, elle l’assure…

Et puis il y a la route et Bettie qui n’y croit plus, ses prières et ses causes perdues. Dès l’entame, les images de la réalisatrice Emmanuelle Bercot expriment une conjugaison de désir et de frustration souterraine, qui nous prive d’un visage pourtant filmé en gros plan, celui de Catherine Deneuve. Cette envie de fuir, encore latente, va surgir brutalement, avec la même soudaineté qui inscrit le moteur de l’action à venir en lettres capitales géantes sur l’écran jusqu’à obstruer le cadre : « Elle s’en va ».

Elle, c’est Bettie, la soixantaine, restauratrice bretonne qui mène sa barque avec une apparente fermeté. Mais les difficultés financières et, surtout, l’abandon de son amant, fragilisent le déroulement d’une vie pénétrant l’illusoire tranquillité du troisième âge. Aux antipodes de l’adolescence, état de mutation ouvert à toutes les promesses, la vieillesse façonne un cadre restrictif où l’étendue des possibles se referme. Et Bettie s’est laissée enfermée, confinée dans sa petite ville de province, parquée dans la maison familiale qu’elle partage avec sa mère envahissante, consignée dans une vie sentimentale vaseuse, traquée comme l’on chasse les oiseaux.

Avec une sage résignation, elle n’attend qu’une fracture providentielle pour ouvrir son horizon. Cette fracture, c’est la rupture, annoncée par sa propre mère – ce qui en dit long sur l’état de claustration dans lequel s’est embourbée Bettie. Elle déclenche une prise de conscience, une envie de s’échapper qui prend la forme du road-movie. Lancée sur les routes de France comme une adolescente en fugue, partie à la rencontre – plutôt qu’à la recherche – de son destin à côté duquel elle n’a fait que passer.

Un film qui flirte avec le 13h de Jean-Pierre Pernaud…

elle-va-cuisine-vieux

Un carrefour désert, des devantures de magasins pétrifiées par les ans, on se croirait dans le "Journal de France", de Raymond Depardon, la France profonde et immobile où l’on croise pêle-mêle un paysan rouleur de cigarettes, une scène inouïe ! Il faut voir ce film pour cette scène-là, un ovni. Après, c’est forcément difficile de proposer encore quelque chose d’aussi fort, mais Emmanuelle Bercot a des ressources : un dragueur d’un soir ennemi de la langue de bois, des ex-reines de beauté retrouvées le temps d’un gala publicitaire... Dans cette virée au charme entêtant, Emmanuelle Bercot confronte la star Deneuve, belle, libre et ludique, à des acteurs non professionnels et plébiscite l’improvisation.

Un road-movie libérateur

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La seconde partie du périple met entre les pattes de Bettie un petit-fils qu’elle ne connaît pas, et qui ne résiste pas longtemps au charme de son aïeule après quelques réticences convenues. Car tout le monde aime Bettie, fille chérie, femme désirée, grand-mère adorée, amie respectée. Seule ombre au tableau : son incapacité à être mère, sa fille (jouée par la chanteuse Camille), étant la seule à résister à cette évidence magnétique. La seconde partie du film abandonne alors les promesses hasardeuses du début et prend une tournure plus classique en ramenant la narration à un récit de restauration de la cellule familiale. Il trouvera son accomplissement dans un happy end plein de bons sentiments autour d’une scène qui sent bon l'ami Ricoré.

Une ode à la réconciliation

Catherine Deneuve

L’air de rien, on trouve dans ce film la mélancolie, l’amour qui bat de l’aile et une star qui a vieilli. Mais Emmanuelle Bercot ouvre les fenêtres en grand, plaide contre la fatalité de l’âge et célèbre une recomposition familiale. Il reste la force de croire en la beauté, la sève sous l’écorce de la vie, la liberté sous des cieux de tempête quand le corps s’apprête à rejoindre la terre.

Emmanuelle Bercot veut prouver qu’il n’est pas d’âge pour les braves, que les années qui s’accumulent peuvent, si l‘on sait ne pas trop s’en lamenter, toujours réserver de jolies surprises. Comment ne pas l’applaudir ?

Bref, une ode à la liberté et à la vie...et à Deneuve !


Sortie le 18 septembre 2013. Réalisé par Emmanuelle Bercot. Avec Catherine Deneuve, Nemo Schiffman et Gérard Garouste.


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